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Affaire Florence Cassez : coup de froid sur les relations franco-mexicaines

vendredi 11 février 2011, par Eduardo Olivares Palma

Tandis que la ministre française des affaires étrangères se déclare "consternée" par un "déni de justice" qui "va peser sur nos relations bilatérales", le gouvernement mexicain "déplore" ses propos et "suggère respectueusement à la ministre (...) d’analyser attentivement les termes du jugement". Les communiqués.

C’était il y a moins d’une semaine. Dans une ambiance de fête on donnait le coup d’envoi à l’Année du Mexique en France pour, selon le président de l’Institut Français, Xavier Darcos, "célébrer les liens historiques qui unissent nos deux Nations, et, plus encore, d’en tisser de nouveaux". Une année appelée à refléter "la réalité et le dynamisme des échanges franco-mexicains dans toute leur richesse, leur diversité et leur modernité".

Quelque jours plus tard l’ambiance est plutôt...Cassez et force est de constater que la richesse, diversité et modernité des échanges doivent s’accommoder de désaccords profonds sur, en l’occurrence, le fonctionnement de la justice mexicaine dans cette affaire.

Une "décision déplorable" prise dans des "conditions inadmissibles"

C’est ainsi que suite à la décision du tribunal de cassation mexicain de confirmer la décision du juge d’appel contre la jeune Française condamnée à 60 ans de prison, la ministre des affaires étrangères française, Michelle Alliot-Marie n’a pas hésité à condamner une "décision déplorable" prise dans des "conditions inadmissibles". "Montage policier, violation de la présomption d’innocence, absence d’enquête véritable, mise à l’écart des témoins présentés par la défense, prise en compte de témoignages à charge malgré leurs incohérences, actes d’intimidation", sont, aux de la diplomatie française, quelques uns des actes qui marquent ce"déni de justice" qui "va peser sur nos relations bilatérales".

Analysez attentivement les termes du jugement !

La réponse mexicaine se s’est pas faite attendre et dans’un communiqué de presse, le ministère des affaires étrangères de ce pays "déplore les déclarations de Mme Michèle Alliot-Marie" tout en soulignant que "Florence Cassez a utilisé tous les moyens de défense que la législation mexicaine met à la disposition de n’importe quelle personne accusée au Mexique".

Apres avoir énuméré quelques uns de ces moyens, le gouvernement mexicain "réfute l’affirmation d’un déni de justice", "suggère respectueusement à la ministre d’État française d’analyser attentivement les termes du jugement" et "déplore profondément que la ministre Michèle Alliot-Marie considère que les relations entre nos pays puissent être affectées par ce dossier d’ordre strictement juridique".

Les deux communiqués en version intégrale

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 La déclaration de Michelle Alliot-Marie

Je suis consternée par la décision du tribunal de cassation qui confirme la sentence du juge d’appel à l’encontre de Florence Cassez. C’est un déni de justice. Cette décision est déplorable et je tiens en premier lieu à marquer ma solidarité avec notre compatriote et avec sa famille.

Michelle Alliot-Marie - Photo D.R.

Alors que la procédure mexicaine de l’amparo est conçue pour corriger des irrégularités de procédure et des erreurs judiciaires, je constate que les nombreux arguments de fond et de procédure qui ont été clairement mis à jour depuis des mois n’ont pas été pris en compte. Les conditions dans lesquelles cette décision a été prise sont inadmissibles.

Aucun des éléments fondamentaux de droit ou de fait soulevés par la défense de Florence Cassez n’a été pris en compte comme ils auraient dû l’être dans un Etat de droit.

Au cours des derniers mois, un grand nombre d’éléments ont été mis en lumière : montage policier, violation de la présomption d’innocence, absence d’enquête véritable, mise à l’écart des témoins présentés par la défense, prise en compte de témoignages à charge malgré leurs incohérences, actes d’intimidation. En outre, la violation des droits consulaires par les autorités mexicaines lors de l’arrestation de Florence Cassez avait donné lieu à un mémoire du Gouvernement français. Ces éléments majeurs ont suscité une importante mobilisation d’institutions et de personnalités respectées au Mexique, dont nous saluons l’engagement.
C’est un jour sombre pour Florence Cassez et sa famille.

Nous n’abandonnerons pas notre compatriote. Le gouvernement français va explorer toutes les voies de droit à sa disposition, sur le plan national et international, pour accompagner les actions que Florence Cassez décidera d’entreprendre. Le gouvernement partage l’émotion de tous ceux qui ont apporté et apportent leur soutien à Florence Cassez au Mexique, en France et dans d’autres pays, et mènent au-delà de ce dossier, un combat pour le respect des droits de l’homme. Cette décision va peser sur nos relations bilatérales.

 Le communiqué du gouvernement mexicain

Le ministère des Affaires étrangères du Mexique déplore les déclarations de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État et ministre des Affaires étrangères et européennes de la République française, au sujet du jugement rendu hier par le Septième tribunal collégial en matière pénale du premier circuit, lequel a rejeté le recours en cassation (« amparo ») de la citoyenne française Florence Cassez, confirmant la sentence prononcée à son encontre en mars 2009. 

Patricia Espinosa - Photo D.R.

Florence Cassez a utilisé tous les moyens de défense que la législation mexicaine met à la disposition de n’importe quelle personne accusée au Mexique. Faisant pleinement usage de ces droits, elle a rejeté la sentence en première instance et a présenté un pourvoi en cassation.
Florence Cassez a toujours été représentée par ses avocats, en plus d’avoir bénéficié de l’assistance consulaire de l’ambassade de France au Mexique. Dans ces conditions, le ministère réfute l’affirmation d’un déni de justice. 

Contrairement aux déclarations faites par la ministre d’État et ministre des Affaires étrangères et européennes de la République française, Mme Michèle Alliot-Marie, le Septième tribunal collégial en matière pénale du premier circuit a analysé chacun des arguments présentés par la défense, lesquels ont été unanimement rejetés par les magistrats.
Toute personne souhaitant connaître les fondements de la décision du Tribunal peut consulter la note informative DGCS/NI:04/2011, où figure un résumé des raisons juridiques qui ont permis aux magistrats de conclure que la responsabilité pénale de la citoyenne française dans les délits dont on l’impute est complètement démontrée.

Le ministère suggère respectueusement à la ministre d’État française d’analyser attentivement les termes du jugement.
 
Le ministère mexicain des Affaires étrangères, respectueux de la décision prise par les membres du Tribunal, déplore profondément que la ministre Michèle Alliot-Marie considère que les relations entre nos pays puissent être affectées par ce dossier d’ordre strictement juridique.  

Le gouvernement du Mexique estime que la relation du Mexique avec la France est à l’heure actuelle excellente ; que les liens de coopération qui nous unissent, basés sur des valeurs historiques communes, ont des racines lointaines et profondes, et que nos convergences de vue sur des thèmes de l’agenda mondial nous ont permis de parvenir à d’importantes réussites pour la communauté internationale. 

En ce sens, le ministère des Affaires étrangères du Mexique forme des vœux pour que ce dossier ne ternisse pas les liens consolidés par nos pays, et renouvelle son souhait et sa volonté de poursuivre le développement et le renforcement d’une relation constructive avec le gouvernement français à tous les niveaux, et dans l’intérêt de nos peuples.