La crise financière internationale et la baisse du prix du pétrole jettent une ombre sur deux emblèmes de l'économie du Brésil : la production d'éthanol, axe majeur depuis trente ans de sa politique énergétique, et le projet d'exploitation des gisements pétroliers offshore ultraprofonds.
Un trésor - pétrole et gaz - sommeille à quelque 250 kilomètres au large des Etats du sud du Brésil. Ces champs s'étirent sur une bande longue de 800 kilomètres et large de 200 kilomètres. L'or noir qu'ils contiennent est enfoui à une profondeur de 5 000 à 7 000 mètres, sous une épaisse croûte de sel.
Leur découverte en novembre 2007 avait suscité un enthousiasme légitime. Le président Luiz Inacio Lula da Silva avait même déjà assigné à la future manne pétrolière un double objectif : financer l'éducation et éradiquer la pauvreté.
Aujourd'hui, crise oblige, les discours sont beaucoup plus prudents. L'assèchement du crédit et la chute du brut, tombé de 147 dollars à 63 dollars en trois mois, modifient l'équation économique de ces énormes projets, techniquement complexes et financièrement gourmands.
Même s'il est passé maître en forages profonds, le Brésil devra relever de nouveaux défis. Exemples : le brut, très chaud sous le sel, se refroidit vite en remontant, et dépose de la paraffine qui encrasse les tuyaux ; il émerge à une pression 230 fois plus forte que celle qui gonfle un pneu de voiture ; l'éloignement de certains champs complique le transfert par hélicoptère des ouvriers vers les plates-formes.
Résoudre ces difficultés exige beaucoup d'argent. La compagnie nationale Petrobras affirme qu'elle a les moyens de s'endetter pour faire face aux dépenses. Dans son prochain plan quinquennal (2009-2013), elle a prévu d'investir 112 milliards de dollars (88 milliards d'euros), dont 104 milliards sur fonds propres. Ce budget, en cours de révision, ne devrait être publié qu'en décembre.
"DISTORSION DU MARCHÉ"
Certains projets seront sans doute plus étalés dans le temps. Leur sélection sera "plus rigoureuse", a prévenu le président de Petrobras, José Sergio Gabrielli. Mais le yo-yo du prix du pétrole, a-t-il ajouté, ne remettra pas en cause les projets d'exploitation à long terme, qui ont été budgétés en fonction d'un baril à 35 dollars.
Le gouvernement fera son maximum pour que les premiers tests en eau très profonde aient lieu comme prévu en 2010, une année de campagne présidentielle au Brésil.
Un pétrole moins cher n'est pas, non plus, une bonne nouvelle pour l'éthanol brésilien, car la baisse du prix des carburants rend moins attrayantes, notamment sur le marché américain, les énergies alternatives, dont les biocombustibles. Le Brésil, qui voit plutôt d'un bon oeil la possible élection de Barack Obama, aurait intérêt, sous cet angle, à une victoire de John McCain. Car ce dernier a promis une baisse des droits de douane, qui provoquent, selon lui "une distorsion du marché".
Une telle mesure redonnerait à l'éthanol brésilien, fabriqué à partir de la canne à sucre, une meilleure compétitivité face à l'éthanol américain, issu du maïs et très subventionné. Encore faudrait-il vaincre la vive hostilité des exploitants américains qui refusent que leur pays encourage, même indirectement, une production similaire dans un pays concurrent.
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