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Billet de blog 9 octobre 2008

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En Amérique latine, on ironise sur les silences du FMI

Il a commencé par l'ironie : «La crise ? Demandez à Bush».

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Il a commencé par l'ironie : «La crise ? Demandez à Bush». Puis au cours des semaines, Lula a dû se rendre à l'évidence : la crise n'est pas celle de Bush seulement, elle déborde sur le reste du monde. Le Brésil a beau être mieux armé que dans les années précédentes, il en souffrira, il en souffre déjà. Du coup, son discours a changé. Le sarcasme est toujours de rigueur, mais il est mêlé de colère, comme d'ailleurs partout en Amérique Latine. Depuis quelques semaines, les analystes économiques expliquent que c'est la dérégulation à tout va et les marchés tout puissants qui ont conduit le système financier occidental, et donc mondial, à la débâcle.Or ce sont justement ces recettes qui ont été imposées par le FMI et la Banque Mondiale dans les années 1990 en Amérique Latine. A l'époque, on appelait l'ensemble des mesures "Consensus de Washington".Le coût social a été considérable et s'est traduit par une explosion politique dans tout le sous-continent.

A la tribune de l'ONU lors de l'Assemblée générale, la présidente argentine Cristina Kirchner s'en est émue : « on a dit aux pays d'Amérique du Sud que le marché résolvait tout, que l'Etat était inutile, et que l'intervention publique était de la nostalgie ».Et de souligner que jamais un Etat n'était intervenu aussi lourdement que ne le font aujourd'hui les Etats-Unis. Après la crise "tequila" et la crise "tango, c'est la crise "jazz", a-t-elle rajouté, tentant de trouver une similitude au vocabulaire médiatique des années 1990, pour désigner les Etats-Unis. Mais le monde a de bonnes chances de s'en tirer, puisque « ce n'est pas le Fonds monétaire international qui va dire aux Etats-Unis que faire" , a-t-elle conclu.

Même constat chez Lula, comme le montre cette vidéo, d'une intervention il y a deux jours, lors de l'inauguration de la première plateforme pétrolière entière conçue au Brésil. Lui aussi ironise sur les silences du FMI. "Cade o FMI?". "Il est où le FMI ? A l'époque de la crise argentine, il avait un avis sur tout, et maintenant qu'il s'agit des Etats-Unis et d'Europe, plus rien! J'étais avec le G8, il y a pas longtemps, et j'au voulu qu'on parle de la crise, mais comme c'est leur crise, on n'a pas d'avis à donner. Il fallait parler d'environnement!". "Avant, quand la crise était au Brésil, on avait l'avis du FMI, et du coup, c'était la faillite. Pareil en Argentine".

Lula a comme d'habitude le sens de la mise en scène et les mots qui sonnent juste. Il traduit de ce qu'une multitude de Latinoaméricains pensent tout bas. On espère qu'il en tirera des conséquences, ce qui est loin d'être le cas. En Argentine comme au Brésil, les banquiers restent tout puissants, et personne ne s'avise encore à les remettre à leur place. On a comprend que le FMI était plus néfaste qu'utile - non du fait des cerveaux qu'il abrite, mais du système de commandement, qui, dans les faits, ne répond qu'aux intérêts du G7 et de leurs entreprises - mais on craint encore le "marché". En 2010 au brésil et en 2011 en Argentine, ce sera pourtant pour ou contre les dauphins de Lula et Cristina qu'on votera, en oubliant le "marché".