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Le cinéma mexicain est en plein renouveau mais peu visible chez lui

Le festival espagnol de Saint-Sébastien, organisé du 18 au 27 septembre, est la vitrine européenne du cinéma d'Amérique latine.

Par Jacques Mandelbaum

Publié le 27 septembre 2008 à 14h42, modifié le 10 mai 2011 à 15h42

Temps de Lecture 3 min.

Dix ans après l'apparition et l'efflorescence du jeune cinéma indépendant argentin sur la scène internationale (Pablo Trapero, Lucrecia Martel, Lisandro Alonso, Daniel Burman...), le phénomène est-il en train de se propager en Amérique latine ? A cette question, le festival du film de Saint-Sébastien, qui s'est tenu du 18 au 27 septembre, a fourni un début de réponse.

Principale vitrine européenne du cinéma d'Amérique latine, la manifestation espagnole associait un panorama de quatorze des meilleurs films indépendants de l'année en provenance de ce continent (Horizontes latinos), ainsi que la présentation de six films en cours de finition à un public de professionnels susceptible de financer leur postproduction (Cinéma en construction). La photographie qu'on peut en tirer met le Mexique au premier plan, en quantité et en qualité. Selon Mikel Olaciregui, le directeur du festival : "Il ne fait guère de doute que le Mexique marche sur les pas de l'Argentine."

Longtemps absent de la scène internationale, ce pays y figure à nouveau de deux manières. La première consiste à exporter des talents qui font carrière à Hollywood (Guillermo Del Toro, Alfonso Cuaron, Alejandro Gonzalez Iñarritu) et reviennent, à l'occasion, au pays pour le faire profiter de leur gloire.

La seconde, fruit d'une vision à plus long terme, consiste à développer une politique favorisant le cinéma national, et plus particulièrement de jeunes auteurs qui conquièrent leur légitimité internationale du côté de la cinéphilie européenne (festivals, fonds de soutien internationaux, coproductions...). Les efforts récents du gouvernement mexicain envers le cinéma, notamment par l'intermédiaire d'une réforme fiscale incitant les entreprises privées à investir dans le secteur, ont ainsi dopé de façon spectaculaire la production nationale, qui est passée de vingt et un films en 2001 à soixante-dix en 2007.

L'association de cette manne privée, s'ajoutant aux fonds publics et aux divers apports européens, fait pour l'instant des merveilles et suscite la création de nombreuses sociétés de production indépendantes.

SCHIZOPHRÉNIE LOCALE

Un chantier beaucoup moins simple à résoudre attend cependant le gouvernement mexicain : la distribution des films. Le quasi-monopole des majors américaines sur ce secteur a pour effet d'interdire le chemin des salles à la moitié des films mexicains produits et de réduire leur part de marché à 7,5 %.

A cette schizophrénie locale, répond la visibilité accrue des films mexicains dans les festivals. Les deux plus significatifs en 2008 à Saint-Sébastien auront été les premiers longs métrages d'Enrique Rivero, Parque Via (Léopard d'or au Festival de Locarno en août), et Norteado, de Rigoberto Perezcano, lauréat de Cinéma en construction.

Ces deux films soulignent la méthode mise en place dans son pays par le cinéaste Carlos Reygadas, découvert en 2003 avec Japon, un film splendide qui a fait le tour du monde. Reygadas est un exemple à suivre pour ses pairs (économie artisanale, ambition artistique, acteurs non professionnels, création d'une structure propre de production et de distribution).

Enrique Rivero a été l'assistant de Pedro Aguilera, dont le film La Influencia (2006) a été produit par la société de Reygadas, Mantarraya Producciones, par où est également passée Paola Herrera, la productrice de Parque Via. Par ailleurs, Parque Via, qui évoque jusqu'à la suffocation l'enfermement d'un domestique dans une maison bourgeoise de Mexico, s'inscrit dans la lignée morale et esthétique du cinéma de Reygadas.

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Rivero souligne que "le sort du cinéma indépendant mexicain va se jouer entre la fierté que retire le Mexique de cette reconnaissance internationale et le choc frontal que constitue pour l'industrie du cinéma cette nouvelle façon de faire des films".

Norteado s'inspire lui aussi du modèle Reygadas, le réalisateur Rigoberto Perezcano et le producteur Edgar San Juan ayant monté conjointement leur société pour financer le film. D'une facture apparemment plus légère, Norteado ne s'en confronte pas moins, avec beaucoup de subtilité et de réussite, à une situation tragique : celle des tentatives réitérées de passage clandestin d'un jeune Mexicain aux Etats-Unis depuis la ville frontalière de Tijuana. Le jeune producteur semble lui aussi gagné par l'optimisme, malgré "le gros problème de la distribution".

Ces deux oeuvres remarquables travaillent au corps la question de l'aliénation. Ils dialoguent à ce titre, dans l'ombre portée de l'empire du Nord, avec beaucoup d'autres films d'Amérique latine présents à Saint-Sébastien. La grande tradition politique et sociale de ce cinéma renaît de ses cendres, mais par des voies plus individuelles, plus distanciées que celles requises par l'engagement collectif. La révolution a vécu, l'indignation demeure.

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