L'antiaméricanisme se porte bien, comme chacun sait. Et la crise financière mondiale n'atténue en rien ce sentiment. Il ne manquait qu'un territoire officiellement dévolu à sa cristallisation; or il s'est désigné de lui-même. C'est un espace gigantesque où se côtoient la pauvreté des nations et la richesse du monde: 600 millions d'habitants et au moins trois pays émergents dotés d'un taux de croissance décoiffant (Brésil, Argentine, Mexique).

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D'Amérique latine parviennent en effet des signaux d'une intensité nouvelle, qui ont de quoi alarmer Washington. On est bien au-delà de la logorrhée marxiste de Fidel Castro, qui avait fini par s'intégrer au folklore latino. Désormais, un bancal quadrilatère, formé du Nicaragua, de Cuba, du Venezuela et de la Bolivie, cultive à visage ouvert un langage haineux qui laboure l'opinion en profondeur.

Accrochés à une vieille recette, les dirigeants de ces quatre nations se sont engagés dans une dangereuse escalade. Au moindre trouble intérieur, ils agitent la théorie du « complot américain ». Jusqu'ici, ce ressort démagogique n'avait que des effets limités, rappelant une sorte de tradition ; mais, depuis l'écrasement de la Géorgie et la sérieuse détérioration des liens entre la Russie et les Etats-Unis, Managua, La Havane, Caracas et La Paz, déjà proches de Moscou, ont franchi un nouveau cran.

Des exercices navals russo-vénézuéliens sont prévus dans les Caraïbes, en novembre ; deux bombardiers russes ont été envoyés à Caracas ; La Havane ne cesse d'accueillir des délégations moscovites ; Evo Morales, le président bolivien, a fait le voyage de Téhéran pour rencontrer Mahmoud Ahmadinejad. Telle est la réponse russe au bouclier antimissile américain installé en Pologne et en République tchèque.

L'effet boomerang du Caucase se ressent jusqu'aux Andes, où le pseudo-modèle économique russe, fondé sur le boom des ressources naturelles, fait facilement des émules. Il a suffi que Morales décide d'expulser de son pays l'ambassadeur américain pour que, par solidarité, Chavez fasse de même, en s'écriant : « Yankees de merde, ici le peuple est digne ! » C'est jouer avec le feu sur un continent où les dépenses militaires sont passées de 25 à 38 milliards de dollars entre 2003 et 2007. C'est aussi le symptôme d'un nouveau grand défi lancé aux Etats-Unis. Et, cette fois, à ses portes.

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