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Les Boliviens espèrent une solution négociée entre le président Morales et les autonomistes

Les tensions politiques et les affrontements sanglants du 11 septembre ont réveillé les préjugés ethniques.

Par Paulo A. Paranagua

Publié le 26 septembre 2008 à 15h11, modifié le 26 septembre 2008 à 15h11

Temps de Lecture 3 min.

L'étreinte s'est desserrée autour de Santa Cruz, la capitale économique d'une Bolivie paralysée par une interminable crise politique et transpercée par des éclairs de violence. Lundi 22 septembre, des milliers de supporteurs du président Evo Morales, des paysans pour la plupart, certains d'entre eux armés, convergeaient ainsi vers la ville. D'autres stationnaient dans des villages environnants, bien décidés à marcher sur le centre afin de faire pression sur Ruben Costas, le préfet élu de Santa Cruz, chef de file de la fronde des départements de l'est, nord et sud du pays. Santa Cruz, Tarija, Beni et Pando revendiquent une plus grande autonomie par rapport au pouvoir central, à la manière des régions espagnoles.

Mardi, les syndicats ruraux ont toutefois décidé de suspendre leur "mouvement jusqu'au 15 octobre, a expliqué le dirigeant Asterion Romero, afin de ne pas donner de prétexte à la droite d'abandonner le dialogue." Un exercice difficile entamé le 18 septembre à Cochabamba, par le gouvernement de gauche et l'opposition autonomiste. Le temps presse : le 11 septembre, des affrontements entre partisans et adversaires du président Morales a provoqué la mort de 16 personnes, à Pando (Nord).

La tropicale Santa Cruz n'a pas pour autant été épargnée. Début septembre, la tension était montée d'un cran. Des institutions publiques, symboles du pouvoir de La Paz, avaient alors été saccagées par des militants de l'Union de la jeunesse de Santa Cruz (UJC). Trois soirs de suite, ces militants d'extrême droite avaient attaqué Plan 3000, bastion électoral de la formation présidentielle - le Mouvement pour le socialisme (MAS, gauche) - dans la banlieue. "Ils voulaient brûler les tentes de notre marché, mais nous les avons repoussés", raconte le menuisier Hugo Cayos, sous le hangar de la Maison du peuple où se regroupent les militants du MAS. Pour M. Cayos, l'affaire est entendue : les autonomistes représentent les intérêts de "l'oligarchie" financière et de "l'impérialisme américain".

Plus mesuré, Julio Almendra, dirigeant des "gremiales" (les vendeurs de rue), ne rejette pas ce projet d'autonomie départementale revendiquée par Santa Cruz. Ce serait "un changement positif", admet-il tout en doutant que les dirigeants locaux soient les mieux placés pour mener cette réforme. "Le centre-ville a longtemps tourné le dos à la réalité des banlieues", explique Nicolas Castellanos, un missionnaire catholique établi à Plan 3000, un bidonville de 300 000 personnes (sur 1,5 million d'habitants dans la municipalité de Santa Cruz). "Le patronat m'a invité à parler de la responsabilité sociale des entreprises, mais il a fallu qu'Evo (Morales) soit élu pour que les entrepreneurs en prennent conscience", remarque-t-il.

"J'ai travaillé pendant cinq ans pour une entreprise qui n'a jamais cotisé pour mon assurance-maladie", confie José, maçon. Résultat, beaucoup préfèrent chercher du travail au Paraguay voisin, ou plus loin, en Europe.

Et ces inégalités sociales qui se creusent dans le pays ont éveillé des préjugés ethniques au sein d'une population pourtant très métissée. L'arrivée pour la première fois à la tête du pays d'un dirigeant d'origine aymara (indigène), Evo Morales a aggravé les tensions raciales latentes. Ainsi, Adrienne Arias, une mère de famille, se plaint d'insultes racistes lorsqu'elle se rend au centre-ville avec ses jupes typiques de l'Altiplano. Le teint assez pâle, elle porte les nattes des "cholitas" (métisses). "Sans les migrants des autres régions, Santa Cruz ne se serait jamais développé", rappelle pourtant Julio Almendra, venu du département voisin de Chuquisaca, il y a vingt-sept ans. Jusqu'à présent l'intégration fonctionnait pourtant bien à Santa Cruz. "Plan 3000 recueille toute la misère de la Bolivie, des gens originaires des neuf départements cohabitent ici sans racisme", assure le Père Castellanos.

Les résultats du "référendum révocatoire" du 10 août montrent l'ambivalence des sentiments à Santa Cruz. Ce jour-là, 67 % des électeurs ont ainsi confirmé Evo Morales à sa fonction présidentielle. Ruben Costas, le préfet autonomiste dont le mandat était également en jeu, a obtenu un résultat comparable : 66 % des voix. "Les gens ne veulent pas de bagarre", en déduit M. Almendra. Une enquête d'opinion des Nations unies confirme sa perception : 80 % des Boliviens soutiennent une négociation entre le gouvernement et l'opposition régionale, avec des concessions mutuelles. "Cette lutte n'a pas de sens, nous sommes en train de nous entre-tuer, nous Boliviens, à cause d'une lutte de pouvoir entre la droite et le MAS", regrette Julio Almendra.

Une lutte qui dure depuis des mois, au grand dam de la grande masse des Boliviens dont le nombre vivant sous le seuil de pauvreté ne cesse d'augmenter. Les caisses de l'Etat sont pleines, mais l'investissement public est inexistant.

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