Avec son éternel béret et sa barbe en bataille, Ernesto Cardenal est l'un des symboles de la révolution sandiniste, qui a renversé la dictature des Somoza au Nicaragua, en 1979.
Aujourd'hui âgé de 83 ans, ce prêtre, considéré comme un grand poète latino-américain, est l'un des critiques les plus acerbes du président nicaraguayen Daniel Ortega, qu'il accuse d'avoir trahi l'idéal de la gauche sandiniste. Condamné le 22 août par un juge de Managua pour injures et calomnies, Ernesto Cardenal se dit victime d'une "vengeance politique" de Daniel Ortega, revenu au pouvoir en 2007.
L'affaire est née d'un banal conflit pour la propriété d'un hôtel sur l'une des îles Solentiname du lac Nicaragua, où Ernesto Cardenal a fondé une communauté monastique dans les années 1960. Un ressortissant allemand, Immanuel Zerger, avait porté plainte pour injures dans le cadre de ce litige. L'accusation avait été rejetée par la justice en 2005.
Au mois d'août, le juge David Rojas, ancien membre des services de sécurité sandinistes, proche de Daniel Ortega, a rouvert le dossier et condamné Ernesto Cardenal à une amende de 20 000 cordobas (700 euros).
Le poète a rejeté cette sentence "injuste et illégale", se disant prêt à aller en prison plutôt que de payer l'amende. Le juge l'a assigné à résidence, et ses comptes bancaires ont été bloqués.
En Amérique latine et en Europe, des intellectuels se mobilisent en faveur d'Ernesto Cardenal. Figure emblématique de la gauche sud-américaine, Eduardo Galeano, l'auteur uruguayen de l'essai Les Veines ouvertes de l'Amérique latine, l'a assuré de sa solidarité "face à une condamnation infâme d'un juge infâme au service d'un gouvernement infâme".
Prix Nobel de littérature, le Portugais José Saramago a appelé Daniel Ortega, qu'il qualifie d'"indigne de son propre passé", à demander pardon à Ernesto Cardenal, "un homme qu'un pape avait tenté en vain d'humilier". En visite au Nicaragua en 1983, Jean Paul II avait publiquement admonesté l'auteur de Prière pour Marylin Monroe, l'un des représentants les plus connus de la "théologie de la libération", alors ministre de la culture du gouvernement sandiniste.
L'Union des écrivains et artistes de Cuba (Uneac) s'est solidarisée avec Ernesto Cardenal. "Nous assistons avec peine à cet affrontement à une heure décisive pour l'avenir de notre continent. Il faudrait se demander à qui profitent ces contradictions", déplore l'Uneac. Cette instance officielle de la culture cubaine a salué "la loyauté manifestée en toute circonstance envers notre révolution" par Ernesto Cardenal.
Pour l'écrivain Sergio Ramirez, qui fut vice-président du premier gouvernement sandiniste, Ernesto Cardenal a été puni pour avoir dénoncé la dérive autoritaire de Daniel Ortega. Comme lui, Ernesto Cardenal a rompu avec le leader sandiniste au milieu des années 1990. Invité le 15 août à la prise de fonctions du président paraguayen Fernando Lugo, le poète y avait qualifié le président nicaraguayen de "voleur" et l'avait accusé d'avoir fait alliance avec d'anciens somozistes.
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