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La gauche chilienne, de Salvador Allende à Michelle Bachelet

La longue nuit des militaires, restés au pouvoir pendant dix-sept ans, s'est accompagnée d'une indéniable solidarité en Europe.

Par Paulo A. Paranagua

Publié le 15 janvier 2009 à 16h22, modifié le 15 janvier 2009 à 18h55

Temps de Lecture 2 min.

L'intérêt suscité par l'union de la gauche à la chilienne, l'Unité populaire, qui porta Salvador Allende à la présidence de la République en 1970, puis l'émotion provoquée par son renversement, le 11 septembre 1973, confèrent au Chili une place singulière dans la mémoire politique. La longue nuit des militaires, restés au pouvoir pendant dix-sept ans, s'est accompagnée d'une indéniable solidarité en Europe. Lorsque le juge espagnol Baltasar Garzon rattrapa le général Augusto Pinochet, en 1998 à Londres, la justice internationale remporta un round décisif sur l'impunité des dictateurs.

Par rapport à toutes ces passions, la coalition de centre-gauche, qui gouverne le Chili depuis le retour de la démocratie, en 1990, attire une attention mitigée. L'avènement du premier président socialiste depuis Allende, Ricardo Lagos - l'homme qui avait pointé un doigt et interpellé Pinochet à la télévision en pleine dictature -, n'a pas changé la donne. En revanche, le choix de la socialiste Michelle Bachelet pour lui succéder surprit positivement une opinion internationale disposée à saluer la promotion des femmes comme il se doit.

Un petit ouvrage nourri par l'expérience de deux hommes de gauche, Ernesto Ottone et Sergio Muñoz Riveros, permet de comprendre des événements aussi riches et contradictoires, sur une période d'à peine quarante ans. Après la révolution est une réflexion qui ne recule pas devant les questions gênantes, comme la part de responsabilité des partis de gauche dans la chute d'Allende.

"L'Unité populaire fut une force minoritaire aux objectifs démesurés. Elle obéissait à une approche idéologisée de la réalité, assurent les auteurs. C'était une vision de tranchée qui prétendait s'appuyer sur cette force mystérieuse qu'on appelait le sens de l'histoire. Et ce fut un échec."

Le Parti socialiste et Allende lui-même avaient entretenu l'ambiguïté entre leur démarche réformiste et des ambitions révolutionnaires. Le Parti communiste va prolonger ces illusions avec sa conversion tardive à la lutte armée, sous la dictature. Et, pourtant, ce sont la résistance civique et la convergence de la gauche et de la démocratie chrétienne qui vont précipiter le départ des militaires.

La coalition de centre-gauche est parvenue à créer un nouveau consensus, qui a assuré la stabilité des institutions et écarté une éventuelle régression. Les quatre gouvernements de la "Concertation démocratique" ont favorisé l'inclusion sociale, obtenant les meilleurs résultats, en termes de recul de la pauvreté, de toute l'Amérique latine - Cuba comprise.

L'ouvrage défend ces avancées graduelles face à la résurgence d'une gauche radicale, tentée par les raccourcis révolutionnaires et alimentée par les pétrodollars du président vénézuélien, Hugo Chavez. Il n'est pas indifférent que les auteurs, anciens militants communistes, évoquent leur exil en Europe, qui les amena à rompre avec le marxisme soviétique. Car une bonne partie des spéculations sur un "socialisme du XXIe siècle" fait justement l'impasse sur les tragiques leçons du communisme réel.

Un autre monde est possible, à condition de "rêver en gardant les pieds sur terre", comme dit le sous-titre du livre. Cet exercice de lucidité aurait gagné à être poussé plus loin à propos de la réforme technocratique des transports publics à Santiago, un héritage de M. Lagos qui a fragilisé Mme Bachelet. Le défaut de participation citoyenne, l'incapacité à attirer la jeunesse, la difficulté à renouveler le leadership et le retard à réintégrer les communistes dans le jeu politique restent des ombres au tableau du centre-gauche. Et des handicaps face à la prochaine échéance électorale, le 11 décembre.


Après la révolution, Ernesto Ottone et Sergio Muñoz Riveros

L'Atalante, 224 pages, 12 €

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